Les noms sous-spécifiés ou shell nouns sont une catégorie qui a intéressé les philosophes du langage d’abord (Vendler, 1968), puis les linguistes de corpus (Winter, 1992 ; Tadros, 1985 ; Francis, 1994 ; Ivanic, 1985) et les linguistes cognitivistes anglo-saxons (Schmid, 2000 ; Flowerdew, 2002 ; Flowerdew et Forest, 2014). Ce concept a été traduit et développé en français (Legallois, 2006 ; Legallois & Adler, 2018 ; Huyghe, 2018), mais peu de travaux ont été réalisés en roumain jusqu’ici : ceux-ci ne traitent en effet souvent que d’une construction particulière qui a été associée aux noms sous-spécifiés (De Cesare, 2014), ou à une sous-classe seulement de noms sous-spécifiés (Cunita, 2015). Ces noms, qui peuvent être des substantifs ou des adjectifs nominalisés, sont marqués par une incomplétude informationnelle, qui va de pair avec une capacité à condenser l’information. De plus, les noms sous-spécifiés apparaissent fréquemment dans des constructions syntaxiques particulières et leur rôle dans la cohésion textuelle a déjà été prouvé, mais dans des études qui se limitent toutefois à un seul genre textuel (Roze et al., 2014 ; Adler et Legallois, 2018), ce qui rend une approche comparative pertinente. L’objectif est donc d’analyser le fonctionnement global de ces noms en comparant les résultats obtenus sur plusieurs plans : d’abord, les corpus sont à la fois oraux et écrits ; ensuite, ceux-ci ont été choisis de manière à être très diversifiés en genre, ce qui permettra d’avoir une vision d’ensemble des noms sous-spécifiés dans la langue contemporaine ; enfin, cette approche est innovante car elle permet de contraster le fonctionnement de cette catégorie nominale dans deux langues proches mais qui diffèrent (le roumain et le français en l’occurrence), notamment par le fait que le roumain dispose d’une plus grande flexibilité en termes d’ordre des mots dans la phrase.